NO43 Saleté
Si on tendait un miroir à la société actuelle, quelle image nous renverrait-il? Pour cette pièce inspirée par le roman de l’écrivain russe Fiodor Sologoub, Le Démon mesquin (1905), les metteurs en scène Ene-Liis Semper et Tiit Ojasoo conçoivent une scénographie dont la puissance est à la fois métaphorique et littérale: les pieds plongés dans un tapis de boue, les neuf comédiens sont en prise directe avec une matière rebutante et fascinante, qui met à l’épreuve les corps et les représentations. Impossible de savoir, dans cette variation radicale autour de la condition humaine, d’où vient la souillure et la fange: la cruauté est-elle propre à l’être humain ou bien le mal vient-il du monde qui nous entoure? Alors que les relations se font et se défont, que les coups et les heurts succèdent aux étreintes, se dessine en creux de cette chorégraphie comique et cruelle un portrait des affects qui agitent l’Europe en ce début de xxie siècle. Sans chercher à analyser ou à expliquer la frustration palpable dans la société actuelle, Kõnts donne une traduction plastique et physique de ces «émotions de surface», de ce ressentiment tenace, bête et puissant, qui nourrit la montée des populismes européens. Porté par l’engagement physique de ses comédiens, ce spectacle déploie un récit quasiment sans paroles, dont les images sont en constante métamorphose, traversé par une énergie rare. Il laisse le spectateur face à une énigme: celle de la vie en société.
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