Celui qui s’aventure dans la forêt entre dans un monde gouverné par une logique autre, soumis à des forces contradictoires, en permanente métamorphose. C’est le cas du spectateur de This is how you will disappear, qui pénètre dans une forêt archétypale, traversée par un vent de folie brute et découvre un univers inquiétant, dans lequel un élément peut brusquement basculer dans son excès inverse. Mythe contemporain, ce spectacle se nourrit tout autant du fait divers que du récit symboliste. Ce sont alors moins des personnages qui l’habitent que des entités allégoriques, qui hantent l’inconscient collectif de nos sociétés. Gymnaste parfaite, rock star éprise de ruine, entraîneur autoritaire, ces figures perdent de leur réalité tangible pour devenir des êtres désincarnés, flottant entre deux espaces, entre deux morales. Dans ce spectacle, Gisèle Vienne met en scène un monde qui glisse, de l’ordre au chaos, de la beauté à la sauvagerie. Son langage s’abstrait de la temporalité linéaire du récit et s’épanouit en nappes sonores, états météorologiques et sculptures de brume. Le temps semble alors se dilater et se diffracte en de subtils ralentis et troublants jeux de reprise. Ciselé par les poèmes de Dennis Cooper, l’espace scénique est troué par de fulgurantes apparitions, qui le transforment en paysage intérieur et invocation mystique. Terrible répétition de la mort, This is how you will disappear est obsédé par le désir, ce point sombre au carrefour de nos violences fondamentales.
Marion Siéfert
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