Paru en 2021, prix Médicis, Le Voyage dans l’Est de Christine Angot est un retour sur les lieux du crime, à l’endroit même où le père, pour la première fois, imposait un rapport incestueux à sa fille. Sur le plateau, six acteur.ices font entendre, mot à mot, l’inceste, l’emprise, le consentement, la honte et la culpabilité.
Le Voyage dans l’Est est un retour sur les lieux du crime, à l’endroit même où le père imposait un premier rapport incestueux à sa fille. Il décrit ce champ de bataille qu’est devenue la conscience. Ce n’est pas un retour mais une plongée en apnée dans les décors de cette ville pour reconstituer, retisser les fils de la mémoire, trouver les mots pour raconter la dévastation intérieure, croiser les voix intérieures pour exprimer tous les sentiments contraires qui ne la quittent pas. Le plateau est ce lieu où entendre cette pulsion, entre vie et mort, entre confusion et lumière. Le lieu d’exposition. Le lieu du courage de la vérité. Le lieu du risque.
Stanislas Nordey aime ces risques, ne craint pas de se frotter à des œuvres qui touchent à des catastrophes humaines et dont la littérature essaie de dégager une issue lumineuse, si mince soit-elle. Sa direction radicale des acteur.rice.s laisse résonner haut et fort les mots de Christine Angot. Des mots qui disent l’inceste, l’emprise, le consentement, la honte et la culpabilité.
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« Ma vie reprenait. Laquelle ? Celle d’avant ? D’avant mes treize ans ? Celle que j’aurais dû avoir s’il n’y avait pas eu ça ? Elle reprenait où ? Là où elle s’était arrêtée ? C’était possible ?
Je me sentais bien. Je me sentais libre. Je ne voyais plus mon père. Ça me faisait du bien. C’était bien. C’était définitif ? Où est-ce que le temps allait passer, et que j’allais le revoir dans d’autres conditions ? Est-ce que j’avais renoncé à le voir ? J’étais bien. Je respirais.
Mais j’étais où ? J’étais qui ? J’étais dans quelle vie ? Je respirais. J’étais libre. J’étais bien. Mais il n’y avait rien d’essentiel. Je ne faisais rien d’essentiel. »
Le Voyage dans l’Est, extrait
Metteur en scène de théâtre et d’opéra, acteur et pédagogue, Stanislas Nordey crée, joue, initie de très nombreux spectacles depuis 1991. Il met en scène principalement des textes d’auteurs contemporains (Gabily, Karge, Lagarce, Mouawad, Crimp, Handke, Pasolini, Falk Richter, NDiaye, Galea, etc.).
En tant qu’acteur, il joue sous les directions notamment de C. Letailleur, A. Théron, W. Mouawad, P. Rambert, A. Vassiliev, É. Vigner, F. Richter et parfois dans ses propres spectacles, comme Affabulazione de Pasolini (2015) ou Qui a tué mon père d’Édouard Louis (2019). Tout au long de son parcours, il est associé à plusieurs théâtres (Théâtre Nanterre-Amandiers, école et Théâtre national de Bretagne, La Colline-théâtre national) et en 2013 au Festival d’Avignon.
De 1998 à 2001, il codirige avec Valérie Lang le Théâtre Gérard Philipe, CDN de Saint-Denis. En septembre 2014, il est nommé directeur du Théâtre National de Strasbourg et de son École où il engage un important travail en collaboration avec 23 artistes associé·es − auteur·rices, acteur·rices et metteur·es en scène − à destination de publics habituellement éloigné·es du théâtre et dans le respect d’une parité artistique assumée. L’intérêt qu’il a toujours porté pour les écritures contemporaines se retrouve dans le projet qu’il a conçu pour le TNS.
En 2020, il retrouve Éric Vigner dans le rôle de Mithridate dans la pièce éponyme de Racine. En 2021, il crée les textes de deux autrices associées : Berlin mon garçon de Marie NDiaye et Au Bord de Claudine Galea. En 2022, il crée Ce qu’il faut dire de Marie Ndiaye au TNS.
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