« Il faut prier les hommes tu dis ?
A Calais, quelle oreille pour ma voix? »
La prière a quitté mes lèvres est une promesse de ne plus prier, un vœu de silence. Mais c’est aussi le témoignage d’une dernière prière faite, à peine sortie de la bouche et déjà envolée. Ce sont les derniers mots ritualisés d’une femme, ceux dont on se demande s’ils sont encore sacrés. Ceux dont on se demande à qui les adresser. Qui a encore le pouvoir de rendre les mots performatifs et transformer le réel ? Qui peut encore accorder la grâce d’une vie digne d’être vécue, en arrivant, tout au bout d’un si long voyage, sur une plage à Calais ? S’apprêter à franchir, à clore un chapitre de douleur, et se heurter au système intransigeant, arbitraire, raciste, d’une police dont la violence est devenue vitale et essentielle, dont la brutalité érotisée s’exerce à travers une surveillance totale et une terreur constante. Un système policier qui s’est supplanté à l’État et assoit sa cruauté sur la base d’une préférence blanche, pétrie de relents colonialistes. Une police omniprésente, créatrice d’un traumatisme intergénérationnel pour les migrants qui la subissent.
Une femme noire, face à un policier blanc.
Dans les yeux de Camille, bénévole mystérieux, juif, ce traumatisme que l’on perpétue n’est pas sans rappeler celui qu’il sent en lui d’une Shoah qu’il n’a pas vécue mais qui le hante. Un génocide qui n’est pas arrivé en soi du fait de la naissance d’un criminel né, mais du rassemblement d’éléments déjà réunis avant la catastrophe, poussés à leur paroxysme. Dans les yeux de Camille, il y a des générations d’enfants à venir qui naitront avec dans le ventre des résidus de fuite, de peur, de coups, de morts.
La prière a quitté mes lèvres est une prière faite au public; celle de veiller aujourd’hui, à ce que les systèmes, les pratiques, les réalités admises qui composent notre monde, ne constituent pas demain les bases d’un nouveau système, peut-être plus destructeur que les précédents. Quelle synthèse serait faite demain des conditions que nous acceptons aujourd’hui?
Qu’acceptons-nous aujourd’hui?
C’est la prière d’une génération pour arrêter le traumatisme.
Gabriel Gozlan-Hagendorf
Texte
Gabriel Gozlan-Hagendorf
Mise en scène
Pierre Thomas Jourdan et Gabriel Gozlan-Hagendorf
Avec
Axel Godard, Gabriel Gozlan-Hagendorf (distribution en cours)
Texte
Gabriel Gozlan-Hagendorf
Mise en scène
Pierre Thomas Jourdan et Gabriel Gozlan-Hagendorf
Avec
Axel Godard, Gabriel Gozlan-Hagendorf (distribution en cours)
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