« Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà, de ta jeunesse ? » Une mélodie doucereuse hante La Mouette, un air furieux et mélancolique qui ne cesserait de nous rappeler à nos désirs de jeunesse, ces promesses non tenues que nous nous étions faites jadis à nous‑mêmes : un amour, une ambition, une chimère. Pour cette mise en scène de la pièce de Tchekhov, écrite en 1895, Frédéric Bélier‑Garcia opte pour la traduction d’Antoine Vitez. Une façon de renouer avec la trame shakespearienne de Hamlet, avec laquelle dialogue le texte de Tchekhov. Les paroles que s’échangent la jeune Nina, qui rêve d’être actrice, et Treplev, jeune poète incompris, résonnent comme celles d’Ophélie et d’Hamlet. En contrepoint, se profile la ligne cynique de l’écrivain célèbre qu’est Trigorine et de la vanité cruelle de la grande actrice Arkadina, mère de Treplev, interprétée par Nicole Garcia. Et la sensibilité simple et touchante de la jeune domestique Macha, amoureuse éperdue. Déchirés entre l’inertie et leurs désirs, les personnages de Tchekhov racontent cette grande bataille qu’est la vie, une vie à la fois pesante et légère, étouffante et aérienne. Pris dans un grand décor de théâtre, les comédiens dirigés par Frédéric Bélier-Garcia évoluent dans une scénographie baroque et fantasque, signée Sophie Perez, surchargée de marqueterie, de bustes, de lampes, de canapés, d’imprimés. De cette rencontre entre un espace incongru et opulent, et la modestie du texte de Tchekhov, naît un dépaysement troublant, susceptible de mettre nos rêves en état d’éveil.
Marion Siéfert
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