On aborde Hate Radio comme un cauchemar qui aurait pris l’apparence d’une normalité désinvolte. Pour parler du génocide rwandais, Milo Rau et les membres de l’International Institute of Political Murder nous font revivre une émission dans le studio de la Radio-Télévision Libre des Milles Collines (RTLM). Sur les ondes de cette station, véritable cœur idéologique du génocide, les animateurs et journalistes n’ont cessé d’appeler au meurtre et à la haine raciale, au gré de programmes radiophoniques qui mêlaient le groove des tubes congolais à la mode aux pamphlets racistes. Ce sont plus de 1000 heures d’émissions et près de 50 interviews, que Milo Rau et son équipe ont écoutées et menées pour les condenser en une seule émission imaginaire, véritable dramatisation d’une réalité dont la sauvagerie est tapie, larvée dans chaque événement du quotidien. On n’y entend ni les cris des victimes, ni le tumulte des massacres, mais on y voit des animateurs de radio qui plaisantent au travail. Sans donner une explication au mécanisme qui transforme certains citoyens en tueurs, Hate Radio – interprété par des survivants du génocide – s’attache à rendre palpable l’atmosphère qui régnait en 1994. La reconstitution de cette radio de la haine nous fait éprouver, par le prisme de l’Histoire, la genèse d’un esprit génocidaire ainsi que les conséquences criminelles d’une parole qui s’exerce au meurtre. Plongée infernale dans la fabrique d’une langue qui déguise en sous-entendus une injonction à la tuerie.
Marion Siéfert
Ajoutez le site sur votre écran d'accueil pour un accès plus rapide !
Appuyez sur
puis “Sur l'écran d'accueil”