On entre dans enfant comme on sombrerait dans un rêve. Créé pour la Cour d’honneur du Palais des papes, ce spectacle est habité par le sommeil. Corps inertes, endormis, déplacés par des machines, manipulés, dansés, agités, secoués en de convulsifs soubresauts : enfant est hanté par l’imaginaire d’un corps sans muscles, innervé de torpeur, qui serait cependant mobile. Entité mouvante, malléable et incontrôlable, « enfant » désigne une présence mystérieuse, un espace mental, qui vient perturber une chorégraphie de corps adultes « en grève », soulevés par des grues, actionnés par des poulies, déversés sur un tapis roulant. Ces petits corps ensommeillés sont le point aveugle de notre regard, vers lequel viennent se nouer peurs et espérances. Ils flottent à la limite de ce que nous croyons être permis. Ils nous appellent à nous engager dans cette vitale perméabilité des corps, cette contagion à l’éveil par le mouvement. enfant aurait également pu s’appeler « le réel avalé », un réel qui est contenu, contrôlé, rejeté, comme ces enfants sans-papiers expulsés des écoles, dont les existences ont habité la création de la pièce. enfant est un spectacle créé pour les enfants qui sont sur scène et qui, les yeux fermés, sont entraînés dans une danse physique et mentale. Ils volent. Et leur imaginaire devient un espace joyeux, dans lequel peut se projeter celui des spectateurs. Mais lorsque leurs yeux s’ouvrent, c’est l’espace du plateau qu’ils envahissent. Une république des enfants, une vague sauvage qui emportera les adultes sur son passage.
Marion Siéfert
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