Dans le panthéon personnel de Christoph Marthaler, l’artiste Dieter Roth (1930 – 1998) occupe une place de choix. En 1980, ce célèbre plasticien et performeur offre au jeune Marthaler, déjà musicien mais pas encore metteur en scène, un exemplaire de son livre Das Weinen. Das Wähnen (Tränenmeer 4). Depuis, cet objet ne l’a jamais quitté, Marthaler n’hésitant pas à alimenter ses créations en piochant dans son contenu, avec une prédilection pour un poème dont un « veau gras » est l’un des personnages principaux.
Toute tentative formelle étant selon lui vouée à la destruction, Dieter Roth s’est notamment fait connaître pour ses sculptures utilisant des matériaux périssables — fromage, chocolat ou sucre. Cette préoccupation profonde pour tout ce qui a trait à la lente érosion liée au temps qui passe, non seulement du chocolat, mais aussi du corps et donc de l’esprit, renvoie évidemment au théâtre de Christoph Marthaler.
Rien d’étonnant donc si le metteur en scène, quarante ans après leur unique et inoubliable rencontre, a choisi de transposer dans l’espace du plateau Das Weinen (Das Wähnen), rendant hommage au fait que Dieter Roth considérait ses écrits comme la part centrale son œuvre. « Rien n’est plus important qu’écrire ou plutôt : ruminer. Former des phrases », disait l’artiste. Des phrases que Marthaler voit comme une réponse à la tendance politique actuelle à l’individualisme et à l’isolement : « Bienvenue, larmes de toutes sortes, bienvenue, monde de contradictions ! ».
Hugues Le Tanneur
Né en 1951 à Erlenbach dans le canton de Zurich (Suisse), Christoph Marthaler étudie la flûte et le hautbois. Il suit pendant deux ans des cours de théâtre à l’école de Jacques Lecocq à Paris. D’abord musicien, ses premières incursions dans l’univers du théâtre se font par le biais de performances d’inspiration dadaïstes inspirées de Kurt Schwitters ou d’Erik Satie. À Bâle à la fin des années 1980, Christoph Marthaler commence à monter des spectacles dans un cadre plus traditionnel comme L’affaire de la rue de Lourcine, d’Eugène Labiche (1991) ou Faust. Une tragédie subjective d’après Fernando Pessoa (1992). En 1993 il monte à la Volksbühne à Berlin Murx den Europäer ! Murx ihn ! Murx ihn ! Murx ihn ab ! (Bousille l’Européen ! Bousille-le ! Bousille-le ! Bousille-le bien !). Mêlant indissociablement sens de l’humour et une profonde sensibilité musicale, son théâtre est indissociable d’une réflexion sur la mémoire historique. En 2014, il présentait King Size au Théâtre Nanterre Amandiers.
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