Comment instaurer un lien entre des événements passés et le temps présent ? À cette question, la chorégraphe Eszter Salamon travaille et s’interroge depuis quelques années dans une série d’oeuvres intitulées Monuments. Dernière en date, HÉTÉROCHRONIE / Palermo 1599 – 1920 est une pièce chorale conçue pour neuf performeurs, qui tient son inspiration des rituels de momification des catacombes des Capucins de Palerme et des traditions vocales siciliennes. En juxtaposant des géographies et des temps lointains, l’œuvre tente de conjurer l’oubli par la construction d’une mémoire fictionnelle. Le rapprochement des momies palermitaines avec les corps des danseurs présents sur scène ouvre notre regard sur un champ imaginaire situé entre passé et présent. « Ce qui m’intéressait, explique Eszter Salamon, ce n’était pas d’incarner une momie mais qu’on puisse trouver des résonances dans nos propres corps : des figures, des postures, des gestes pétrifiés, des grimaces et des rictus, ce sourire des morts, comme des sensations éphémères pour élargir l’imaginaire et le vocabulaire du sensible. »
Sa pièce interroge la possibilité d’un continuum entre la vie et la mort, entre les vivants et les défunts, et invente son propre corps utopique, un corps dansant et sonore. À travers la lenteur des mouvements et la respiration commune libérée par les chants, la pièce nous renvoie à nos propres deuils, à la cohabitation que nous construisons avec nos morts, et nous invite à penser ces questions à la fois intimement et collectivement.
Le travail de l’artiste hongroise Eszter Salamon explore le champ chorégraphique en l’étirant vers d’autres formes artistiques. Ses premières pièces (What a Body You Have Honey et Reproduction), marquées autant par une démarche conceptuelle que par un travail sensoriel, soulèvent des questions liées au genre et à sa représentation sur scène. Altérés par des postiches, transformés, les corps mis en scène sont tantôt incarnés dans leurs spécificités physiques (Mélodrame), tantôt dématérialisés et rendus sensibles par une présence sonore (TALES OF THE BODILESS).Sa volonté de déchirer le voile de silence qui drape généralement le corps du danseur l’a conduite à développer un travail documentaire où la parole fait émerger des biographies singulières. Présentées aussi bien dans des festivals que dans des espaces d’exposition, ses œuvres parviennent à réaliser une fusion inédite de l’esprit et du corps. MONUMENT 0 : Hanté par la guerre (1913 — 2013), premier volet de la série Monuments, a été présenté à Nanterre-Amandiers en 2016.
Ajoutez le site sur votre écran d'accueil pour un accès plus rapide !
Appuyez sur
puis “Sur l'écran d'accueil”